Mon cancer, moi et le yoga
(Article rédigé par ma très chère belle sœur, Anne Laure Guillemin )
Assise en tailleur sur la chaise de ma cuisine, je fixe l’écran de mon ordinateur. Je viens de recevoir un SMS d’ Evelyne qui pense à publier un témoignage sur son site qui parlerait du yoga et du cancer du sein, suite à la formation De Gasquet à laquelle elle a participé sur ce thème.
Cette idée me plaît bien. Revisiter le soutien que le yoga m’a prodigué durant cette période, c’est peut-être une façon de tenir à bonne distance la peur de la récidive qui nous habite lorsque l’on est en rémission. Elle plane d’ailleurs davantage en ce moment cette inquiétude. Nous vivons toutes et tous entourés de bilans de santé plus ou moins réguliers de personnes touchées par la maladie. En ce moment, je suis préoccupée par deux d’entre elles et cela réveille quelque chose en moi. Des angoisses mais aussi la certitude que c’est notre regard sur la maladie qui change notre façon de la vivre. Et là, c’est moi qui parle, pas un livre de développement personnel qui vous inonderait de belles pensées non éprouvées.
Le yoga a joué un rôle déterminant dans mon histoire avec le cancer, sur le plan physique, philosophique et psychique. Je pratique depuis plus de dix ans. Je n’ai pas une pratique quotidienne même si je le souhaiterais mais je fais avec ce qui est. Il y a des périodes où j’ai beaucoup pratiqué, durant le confinement notamment, grâce aux cours en visio de mon enseignante, et des moments où je ne faisais rien. Cependant, comme j’aime à le dire souvent, le yoga n’est jamais bien loin pour moi : dans la conscience d’une mauvaise posture à corriger dans la vie quotidienne ou d’une douleur que je sais pouvoir soulager par un étirement adapté, dans le besoin de respirer posément pour apaiser une tension mais aussi par le biais de pensées tirées d’enseignements spirituels qui me reviennent pour m’éclairer ou me guider.
Le yoga a d’abord été pour moi l’apprentissage d’une conscience plus fine de mon corps et de mes sensations corporelles. Je suis persuadée que cela m’a permis de percevoir ma tumeur de façon précoce. J’ai eu en effet durant plusieurs moi des ressentis qui m’ont alertée. Pas besoin d’en faire un inventaire mais je dirais pour résumer que le côté gauche de mon corps donnait des signes d’inflammation.
Je pratiquais la palpation de mes seins de manière régulière, ce qui me permettait d’avoir une bonne connaissance de leur texture et ceci aux différents moments de mon cycle. Cependant, ce sont finalement des sensations de tiraillements au niveau de l’aisselle gauche qui m’ont paru nouvelles et inexpliquées jusqu’à ce qu’un soir je remonte la chaîne ganglionnaire/lymphatique de mon aisselle jusqu’à mon sein pour y détecter une toute petite masse dont la densité m’était clairement inconnue donc suspecte. J’ai pris rendez-vous avec mon généraliste qui n’a rien senti à la palpation mais qui m’a adressée au centre de radiologie pour une mammographie en “urgence” parce qu’il faisait confiance à mes ressentis. Cette mammographie a confirmé qu’il y avait un kyste et, après une hésitation, le radiologue, qui voulait tout d’abord me mettre sous surveillance annuelle vu la petite taille de “La Petite Boule”,( comme je l’ai très rapidement nommée histoire de l’apprivoiser) a décidé de programmer une biopsie qui a elle-même révélé un carcinome de type I. Entre le premier rendez-vous chez le généraliste et le rendez-vous chez l’oncologue, il s’est passé deux mois je pense.
Et le yoga dans tout cela? Et bien le yoga était là à chaque pas, parce qu’il avait forgé des sensations extrêmement fines de mon propre corps et une confiance absolue en mes ressentis, aptes à me convaincre que quelque chose n’allait pas et à convaincre mon médecin qu’il fallait agir vite.
Le yoga m’a également permis de traverser cette période d’attente entre les examens et les résultats. C’est long, c’est stressant mais je n’ai pas abandonné mes cours hebdomadaires qui détendaient autant que possible ce qui devait l’être. Et puis toute cette période du diagnostic jusqu’à l’opération s’est étalée de fin novembre à mi février. C’est une période très « Vata » où les exercices Yogiques adaptés peuvent aider à apaiser les ruminations et faciliter l’ancrage. En janvier, notre premier cours de l’année était comme d’habitude consacré à la recherche de notre Sancalpa pour l’année. Le mien était “Accepte ce qui est” depuis un ou deux ans. Autant dire qu’il m’a été utile et lorsque je suis sortie de mon premier rendez-vous avec l’oncologue, c’est la première phrase qui m’est venue naturellement en tête et m’a permis d’appréhender tout ce qui a suivi avec le plus de calme et de distance possible. Que ce soit l’annonce à mes trois enfants et à mes proches, l’attente de l’opération ou la suite du protocole. Dans mon cas, le pronostic était très bon étant donné la précocité du diagnostic mais on ne va pas se mentir, c’est toujours difficile car il n’y a jamais de certitude concernant le risque de récidive.
Je partagerai bientôt avec vous tout cela plus en détail, consciente, grâce à l’échange avec Evelyne, que peut-être cela pourra intéresser voire soutenir certaines ( et pourquoi pas certains) d’entre vous. Alors à bientôt et pensée de gratitude au yoga mais aussi à la maladie pour tout ce que cette expérience a apporté dans ma vie!